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analogon
9 mars 2007

Légende perdue


LEGENDE PERDUE

Comme une île blanche dans l'océan des champs
Il se dressait, vaste citadelle immaculée
Dominant les plaines, écrasant le firmament
Château fermé pour ceux qui n'y étaient pas nés.

Dans ce monde clos un seul langage faisait loi
Celui de l'or, et tous le parlaient sans ambages
Pour eux seul le Veau d'or accaparait leur foi
Entre leurs doigts les diamants semblaient des mirages.

Dans une tour dominant la baie bleue des anges
Une reine vivait, femme belle, splendide,
Parée aux yeux de tous d'un éclat si étrange
Alliance d'une majesté et d'un coeur candide.

Elle régentait la maisonnée de son prince
Ornait les banquets de sa présence dorée
Nul ne voyait soudain le désespoir si mince
Qui glissait de ses yeux tel un ange blessé.

Sous les parures de diamants, parmi ses rires
Se camouflaient les pleurs de son coeur gémissant
Les nobles dansaient, prenaient pour eux ses sourires
Aveuglés par le noir de ses yeux frémissants.

Les bals finis, elle se retirait en sa chambre
Cadenassant la porte sur son pays rêvé
Elle sentait alors le froid monter dans ses membres
La faisant hurler sans bruit dans ses draps lovée.

Jour après jour, le même décorum stérile
L'enfermait sans espoir de connaître le ciel
Dont l'azur surplombait sa silhouette gracile
Qui priait pour enfin goûter aux nuages de miel.

Dans le village éloigné de la forteresse
Niché près des montagnes, perdu dans les terres
Un manant cueillait l'air du printemps en liesse
Semant ses grains libres dans la brise légère.

Humble et pauvre hère, troubadour moins que rien
Ne possédant ni ses murs ni son toit de chaume
Uni sans passion à sa compagne sans lien
Il caressait l'herbe nouvelle de sa paume.

Prés, bois et ruisseaux l'accueillaient dans leur douceur
Merles, abeilles et brebis étaient ses seuls amis
Il composait pour le vent des mots enchanteurs
Puisant l'inspiration dans les rangs des semis.

Porté par les courants, son chant gagna les cieux
Qui attendris l'envoyèrent bercer les songes
Si obscurs de la reine endormie en ce lieu
Où l'amour n'existait pas, n'était que mensonge.

Les doux murmures éveillèrent la souveraine
L'enlaçant de tièdeur, l'emplissant de lumière
Elle ouvrit les yeux, n'ayant plus aucune peine
Car enfin elle avait la réponse à ses prières.

Alors elle enjamba la fenêtre, sans peur
Du vide cruel qui l'entourait, puis avançant
Se donna entière au vertige du bonheur
Qui la saisit au vol, tendrement l'enlaçant.

Sans savoir comment, elle fut transportée très loin
Jusqu'au pied d'un orme doré où il l'attendait
La lune soupira quand elle l'eut rejoint
Pudique elle se voila alors qu'il l'embrassait.

L'arbre referma ses branches sur les amants
On ne les revit plus, disparus pour toujours
Certains les disent sous un autre firmament
Dont la voûte s'est refermée sur leur amour.

Contrat Creative Commons
This création is licensed under a Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 France License.

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